Texte de Lorraine Cadotte, collaboratrice du Comité d’Action et de Défense des Droits
Le 15 mars, en pleine tempête de neige, se tenait notre journée de réflexion annuelle portant cette fois sur l’insécurité alimentaire et le droit à une saine alimentation. Ces journées de réflexion sont organisées dans le but d’offrir aux membres et à toutes personnes intéressées par le thème choisi, l’occasion de réfléchir sur des enjeux sociaux, de développer une conscience collective et de renforcer le pouvoir d’agir.
Le Comité d’Action et de Défense des Droits (CADD) avait suggéré de choisir un thème faisant un lien avec un autre volet de la Maison d’Aurore. Sylvie Bureau, responsable du volet alimentaire, nous a interpellées sur le momentum politique autour de la sécurité alimentaire. En effet, le gouvernement québécois est en réflexion sur l’alimentation et tiendra un sommet sur l’alimentation à l’automne 2017. Dans ce contexte, le Regroupement des Cuisines Collectives du Québec souhaite rédiger une déclaration sur le droit à une saine alimentation et invite les participants des cuisines collectives à réfléchir sur le sujet. Nous avons donc inclus dans la journée un moment de réflexion pour la déclaration sur le droit à une saine alimentation (voir ici).
Pour présenter un état de la situation sur la sécurité alimentaire, ainsi que des pistes de solution pour assurer à chacun et chacune une saine alimentation, nous avions invité :
(a) François Régimbald, professeur de sociologie au CÉGEP du Vieux-Montréal et 3 étudiantes, Caroline Lao-Se-Mai, Corine Roy, Anne David ;
(b) Ghalia Chahine, coordinatrice du système alimentaire régional (SAM) ;
(c) Sophie Pétré, chargée de concertation Revitalisation Urbaine Intégrée à la Corporation de Développement Communautaire Centre-Sud ;
(d) Heather Elliott du Club des consommateurs de Pointe-Saint-Charles ;
(e) Sylvie Bureau, responsable du volet alimentaire à la Maison d’Aurore.

Organisatrices et présentateurs-trices de la journée. De gauche à droite : Alice Miquet, Corine Roy, Anne David, Caroline Lao-Se-Mai (toutes les trois étudiantes au Cégep du Vieux-Montréal) François Régimbald (enseignant au Cégep du Vieux-Montréal et chercheur), Francine Boucher, Sylvie Bureau et Lorraine Cadotte
Voici un bref résumé des idées qui nous ont été présentées durant la journée, afin que vous preniez conscience du problème de l’insécurité alimentaire et de l’importance d’agir pour le droit à une saine alimentation. La lettre entre parenthèse après une phrase, fait référence à la présentation d’où elle a été extraite.
Sécurité alimentaire
La notion de sécurité alimentaire se divise en deux types de définition. La première renvoie à un manque en terme de quantité. La sécurité alimentaire consiste dans ce cas à un accès à une alimentation suffisante pour mener une vie active en santé. La deuxième, que nous préférons, aborde le problème de manière plus globale en termes de répartition de la richesse et d’une alimentation suffisante, saine et nutritive (a)(d). À Montréal, 43 % de la population n’a pas accès à des fruits et légumes frais sur une distance de marche, dont 136,700 personnes qui vivent sous le seuil de faible revenu qui ont un accès nul ou négligeable (b). Le coût du panier à provisions nutritif dans le Centre-Sud est le plus élevé à Montréal. Dans Sainte-Marie, 73 % des commerces d’alimentation sont des dépanneurs (c).
Personnes atteintes
Au Canada, selon une étude de 2011-2012, dans tous les groupes d’âge, le pourcentage des femmes vivant en situation d’insécurité alimentaire est plus élevé que celui des hommes. Les plus touchés sont les femmes dans les groupes d’âge se situant entre 20 et 44 ans. À Montréal, 22% des familles sont monoparentales dont 80 % dirigées par des femmes. Près de 40% des familles monoparentales se retrouvent dans une situation extrêmement précaire.
Pistes de solutions
Les pratiques traditionnelles en réponse à l’insécurité alimentaire relèvent plus du domaine de la charité et apportent des solutions plus individuelles (a). Les pistes de solutions qui nous ont été présentées durant cette journée, relèvent davantage d’une approche collective. La population se met au cœur des solutions. Dans Centre-Sud l’alimentation est un enjeu prioritaire depuis 30 ans. L’aide alimentaire est alors inscrite dans une démarche de développement social afin que l’offre alimentaire soit viable et accessible dans une approche d’éducation et d’action politique pour la reconnaissance de l’insécurité alimentaire (c). Deux actions concrètes issues de ces démarches sont le Quartier Nourricier, infrastructures permanentes du Marché Solidaire Frontenac et le Projet Zéro Gaspillage, un projet de transformation de viandes via des ateliers de cuisine bénéficiant aux organismes et banques alimentaires du quartier (c).


Tempête d’idées pour améliorer le droit à une saine alimentation

Toujours sur le plan des actions concrètes, les jardins collectifs de Pointe-Saint-Charles permettent à la communauté de se rassembler pour se donner l’accès à des aliments de grande qualité à peu de frais. Le recrutement se fait de manière à rejoindre les personnes qui vivent diverses situations de précarité. La mission de justice alimentaire et de solidarité est portée par toutes et tous. Parmi les éléments gagnants ont retrouve le lien avec la cuisine collective, la distribution des surplus et des activités avec les enfants. C’est toute une transformation sociale qui est visée (d).

Nécessité d’une approche globale
La sécurité alimentaire et le droit à une saine alimentation s’inscrivent dans une approche sociale plus globale. Le système alimentaire est très complexe, allant de la production en passant par la transformation et la distribution pour se terminer par la consommation. L’État devrait jouer un rôle plus important dans toutes les étapes du système, comme il en joue dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi, du logement ou encore de l’énergie. La justice sociale passe selon les intervenants par la justice alimentaire (a)(d)(e). L’accès à une saine alimentation est un des objectifs de la politique gouvernementale de prévention en santé. Nous devrions pouvoir contrôler ce qui se passe sur notre territoire en lien avec l’alimentation (e). La Ville de Montréal se propose de créer un Conseil des politiques alimentaires dont le but est d’offrir à tous les citoyennes et les citoyens de l’agglomération de Montréal un accès à une saine alimentation diversifiée, de proximité et abordable dans une perspective de développement équitable et durable. Le développement de l’agriculture urbaine fait aussi partie de ce plan (b). La hausse des prix des aliments et le gaspillage alimentaire s’inscrivent dans une industrialisation de l’agriculture (b)(e).
La question de l’alimentation est au cœur de notre vie quotidienne. Comment pouvons-nous faire en sorte que tous les enfants de notre communauté puissent se rendre à l’école le ventre plein de nourriture saine pour l’esprit ?